La Success Story d’ Hamilton ou comment je suis devenue fan du 1er secrétaire du Trésor des Etats-Unis

Le 12 juin dernier se tenaient les Tony Awards, la grande cérémonie de récompenses des comédies musicales. En gros, ce que sont les Oscars au cinéma, les Tonys sont à Broadway. Ce soir là, une petite comédie musicale qui ne paye pas de mine gagne 11 statuettes, et mon cœur par la même occasion. Ce musical, c’est Hamilton, la dernière pépite de Broadway qui accomplit un miracle : réconcilier le hip hop et la comédie musicale.

 

Les débuts d’un phénomène

L’histoire d’Hamilton, c’est celle de l’ascension d’Alexander Hamilton, jeune immigrant qui devient Père Fondateur des Etats-Unis au cours du XVIIIème siècle. L’idée d’une comédie musicale sur ce personnage historique est venue au créateur Lin-Manuel Miranda lors d’un voyage en 2009. Notre pauvre Miranda, qui prenait des vacances après le succès de son premier musical In The Heights, s’ennuyait terriblement. Il s’empare donc du premier livre qu’il trouve : une biographie d’Alexander Hamilton de Ron Chernow. Hamilton est un personnage aux multiples facettes, mais ce qui frappe Miranda, c’est qu’il incarne l’idée de changement, de révolution.

Toujours en 2009, il est invité à la Maison Blanche pour reprendre un de ses numéros de In The Heights. Il est alors, avec son ami Thomas Kail, en pleine composition de ce qui deviendra plus tard Hamilton, et décide au dernier moment de ne pas reprendre In The Heights et à la place, il présente l’ébauche de la première chanson du spectacle : Alexander Hamilton. Il explique son projet : celui de mélanger un tas d’influences musicales.
L’assemblée, qui connaît bien cette figure emblématique de l’Histoire américaine, ne sait pas à quoi s’attendre. Et c’est là tout le génie de Miranda : l’idée peut paraître risible, mais le musical est tellement bien écrit que ça fonctionne. Barack et Michelle sont conquis, et la machine Hamilton est lancée.

« « It’s the story of America then, told by America now »

Sur les affiches, Hamilton est sous-titré « An American Musical ». Un musical très américain en effet, puisque à-travers l’histoire d’Alexander, c’est l’histoire de la construction des Etats-Unis : de leur indépendance, de leur Constitution, des débats quant à la création d’une banque nationale.
Et cette histoire, elle est racontée à-travers un casting non-seulement brillant, mais hétéroclite. Broadway, qui a si souvent été critiqué à cause de ses castings « trop blancs », se prend une claque : quasiment tous les rôles sont tenus par des acteurs noirs, latinos, ou asiatiques. Miranda l’a voulu ainsi : ce musical, c’est « l’histoire de l’Amérique de l’époque, racontée par l’Amérique d’aujourd’hui ».

Cette leçon d’histoire sur des rythmes RnB plaît tellement que les professeurs aux Etats-Unis s’en servent comme support pour faire leur cours.
Pour tout le cast, réconcilier les jeunes issus de minorités avec une histoire « blanche » était le but du musical. Ils peuvent ainsi s’identifier à des personnages qui ont changé l’histoire de leur pays. Le show est aussi imprégné de critiques à l’égard de la politique actuelle. Chaque soir, le public s’enflamme à une réplique du Marquis de Lafayette : « Immigrants, we get the job done »/ «Les immigrés, on fait le boulot ». Ce n’est pas pour rien que la presse affirme qu’Hamilton a révolutionné Broadway.

What next ?

Après des centaines de représentations, une grande partie du casting original vient d’être remplacé. Mais Hamilton a encore une grande espérance de vie : le musical, en continuant d’être joué sur Broadway, débarque en 2017 à Chicago et à Londres. Un documentaire sur l’histoire du phénomène sortira le 21 octobre sur la chaîne américaine PBS. Au-delà de sa prospérité financière (600 000$ par semaine!), le phénomène s’étend et les créateurs du show s’engagent : ils ont aussi voulu rendre le spectacle, qui est booké jusqu’en 2018, accessible aux jeunes des écoles publiques new-yorkaises en mettant 20000 tickets à leur disposition. Un élève afro-américain a expliqué au journal Newsweek qu’« Hamilton [lui avait] fait prendre conscience que les Etats-Unis étaient aussi [son] pays ». Il semblerait que l’objectif Hamilton soit atteint.

La charmante illustratrice Emily Woods a acceptée de me laisser utiliser son illustration de Lafayette. Je vous invite à aller voir son Instagram (@emzwashere) et son Tumblr (Bambzilla).

 

L’ermite