Coup de gueule public

On va à un concert pour plusieurs raisons. C’est mon groupe préféré, je connais toutes leurs chansons, je connais pas très bien mais j’aime bien, oh ça a l’air bien ça, je suis curieux/se de découvrir, t’as vu ils se reforment, le groupe culte là, on y va ? Dis, on y va ?

Bien sûr qu’on y va, évidemment ! Ne pas rater un moment où on peut voir l’artiste en face de soi, du vrai, la musique qui vibre dans chaque partie du corps et dans la salle. Ce sont tous les sens qui sont en alerte. Les lumières, les corps des gens qui bougent, la chaleur, les musiciens, les vrais, tu te rends compte ?

Non je ne crois pas. De moins en moins de gens se rendent compte. Un concert c’est de la vie, c’est le bordel, parfois un bordel simple mais enfin, personne n’est rangé. Sur place, il y a marqué « debout – placement libre », et pas « les petits devant eh oh moi je suis arrivée avant ». Eh bien madame, la danse n’est pas statique, la vie encore moins, et le rangement en bataille c’est sur son canapé devant la télé que ça se passe.

Et puis un artiste ça évolue et il faut savoir l’accepter. Un artiste c’est un humain après tout, comme vous, il veut changer, se renouveler, pas seulement pour lui d’ailleurs, mais pour le public aussi. Mais voilà, le mal est fait, on a collé une étiquette à son nom et il ne s’en sortira pas parce que l’esprit des gens ne veut pas évoluer avec l’artiste. Est-ce pour ça que vous ne bougez pas ? Pour le punir car il vous a trahis ? Non, je vous assure, ça a changé mais ça reste la même chose, c’est quelqu’un qui vous transmet sa passion avec toute son énergie mais l’énergie tombe à plat dans la fosse vide. « Quand est-ce qu’ils nous font les vraies chansons ? », mais cette phrase n’a aucun sens. Il y a des vraies et des fausses chansons ? C’est juste que tu n’en connais que deux et que pour toi elles définissent l’artiste, et puis voilà, tu as raison, c’est tout. Qu’est-ce que je disais ? il ne s’en sortira pas le pauvre.

Et d’ailleurs, les voit-on encore les artistes ? Et eux ? Ils ne nous voient plus. Il ne voient que des centaines de portables braqués sur leur têtes attérées, ils ne voient que des statues immobiles toutes semblables avec leurs bras droits musclés par l’habitude de tenir leur portable pour filmer leur vie. Et quel paradoxe que celui de cette fille/ce garçon qui met « Carpe Diem » sur la vidéo d’un concert qu’il/elle n’a même pas vécu. Imaginez seulement la sensation que cela fait depuis la scène, cette marée de lumières qui ne sont hélas pas celles des traditionnels briquets.

Tu t’es amusé ? Pas moi. Parce qu’il y avait le feu sur scène et qu’ils ont reçu une douche froide de la part d’un public qui a tenté un mannequin challenge de deux heures pour entrer dans le Guinness book. Alors, sincèrement, je vous applaudis pour la performance, Matmatah (eh oui, c’est eux). Parce que votre retour est excellent musicalement parlant, et rassurez-vous, les enfants que vous avez bercés sont vraiment là.

Cess

« Vous savez, un public qui crie « Les moutons ! Les moutons ! » c’est assez étrange » Tristan Nihouarn, chanteur du groupe brestois Matmatah

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