Mon premier rencard avec la démocratie : Du vent dans les voiles

Aujourd’hui, mon cœur a vibré à contre cœur. Cela fait déjà quelques mois qu’il m’a habitué à des palpitations inédites, écho de la clameur populaire qui réchauffe et rassure. J’avais découvert une symphonie grandiose, place de la République, le 18 mars, et je m’étais pris à espérer, malgré le cynisme, la peur que suggérait la houleuse progression de cette élection, qui était ma première. Je croyais avec une ardeur surprenante, envers et contre tout, mû par l’ingénuité qui accompagne les lames qui n’ont pas connu bataille, que notre génération témoignerait enfin d’un profond désir de changement. Je m’imaginais avec de plus en plus de confiance que nous verrions finalement le peuple reconquérir l’austère réunion de famille qu’était devenu le gouvernement. À ma droite, je voyais la finance en déroute, préparant ses bagages et emportant l’Intolérance, l’Obscurantisme et la Mélancolie avec elle. À ma gauche, je sentais la chaleur joyeuse des gens, des gens qui croient toujours que l’Homme est bon, et que le monde sera notre jardin d’Éden si nous nous y attelons ensemble.

Mais aujourd’hui, mon cœur a vibré à contre cœur. Sans rater de battements, il a pris une pause. Il s’est suspendu le temps d’un regret. Ou plutôt le temps de mille et un regrets qui pleurent ensemble la nouvelle plaie qui s’abat sur la démocratie française. Mille et une larmes versées au nom du bon sens, du progrès, de la vie.

Une nouvelle fois, nous allons rentrer en hibernation, songeais-je. Une fois de plus, le feu militant s’éteindra, les braises couleur sang enfouies le plus profond possible. C’est là que mon cœur s’est remis en marche, et par pour l’autre zigoto. Je me suis rappelé alors de la puissance qui s’est frayé un chemin entre la bêtise et l’abandon, pour alors s’élever et clamer sa révolte. Je me suis rappelé du bonheur qui sillonne sur les pavés, qui résonne sur les places, prêt à lutter à nouveau.

C’est aujourd’hui que, surmontant la blessure subie, nous devons nous souvenir que nous ne sommes pas seuls. Cette mascarade présidentielle nous a tout de même appris qu’une force résiste encore, que la vie humaine et la nature ont toujours des soldats dévoués, et que nous ne cesserons de nous battre qu’une fois la tyrannie abstraite qu’est devenue la « politique » aura été enterrée.

Ne baissons pas les bras. Tant que le cœur palpite, et que l’altérité est une richesse et non un effroi, tout est possible. Je n’ai que faire du cœur de la France, qu’elle soit debout, en marche, insoumise ou bleu marine (bien que cette dernière perspective me glace le sang). Je souhaitais la victoire d’un parti, mais seulement parce qu’à travers lui je discernais la victoire de l’humanisme. Nous savons maintenant que l’heure n’est pas encore aux réjouissances, mais après la pluie vient le beau temps.

Ne leur offrons pas notre espoir, car ce serait le symbole de leur ultime victoire. Continuons de nous battre pour qu’un jour les graines du progrès et de l’intelligence fleurissent, ravageant leurs maléfices.

Patience, passion, les amis.

Mathurin

(image en Une :  The cruise of the campbel, d’Anton Otto Fischer et dans l’article, image libre de droit sur pixabay)