Du street, du wear, de la chaussure !

Michael Jordan, le basketteur ultime, meilleur sportif de tous les temps selon certains, vient de fêter ses 55 ans. Lorsque Nike a signé avec Michael Jordan son contrat de sponsoring en 1984, la firme ne s’imaginait pas à quel point ce contrat lui rapporterait. Plus de 30 ans après, Jordan reste une légende et son nom évoque les sneakers sur lequel trône toujours sa silhouette s’élevant vers les sommets : le « Jumpman ». Ce logo est connu dans le monde entier et a grandement contribué au phénomène « sneakers ». De New York à Lorient en passant par Madrid, Moscou ou Dakar, la basket de rue est devenue un phénomène mondial. Toutes les marques s’y sont mises. La culture des sneakers est partout et continue de s’étendre… Comment des gens comme vous et moi dépensent des milliers de dollars ou vont jusqu’à s’entre-tuer pour une paire de baskets ?
Comment on en est arrivé là ?
Bien que présentes comme élément clé de la mode depuis les années 60, les chaussures d’inspiration sportive sont réellement devenues un objet de convoitise majeure à partir des années 80, plus précisément après la création de la ligne Air Jordan, née de la collaboration très lucrative entre l’équipementier américain Nike (jsp si vous connaissez) et le basketteur Michael Jordan en 1984 comme je vous le disais. Ces chaussures, bien que pas toujours agréables à regarder, sont sans conteste devenues un symbole dans la culture urbaine, particulièrement aux USA. Cet engouement vient du lien étroit entre la rue et le sport. En effet, on ne se rend pas compte à quel point le basket est un élément culturel essentiel aux Etats-Unis, plus encore que le football américain ou que le base-ball. Grâce à ces chaussures, n’importe qui pouvait acheter son appartenance à un groupe, à une tribu.
Jordans is the new gold
Cependant, les sneakers sont vite devenues des objets de valeur, à cause de leur système de distribution : en effet, les modèles de jordans les plus convoités sont ceux qui sont produits en quantité limitée. L’exclusivité des paires crée une fascination et une demande énorme (ce qu’on appelle la hype), et les prix montent en flèche, allant jusqu’à plusieurs dizaines de milliers de dollars pour les modèles les plus rares (prototypes ou modèles dont la sortie a été annulée) : j’ai sous les yeux une magnifique paire de AIR JORDAN 5 RETRO « TRANSFORMERS SAMPLE » en 44 proposée sur le site flightclub.com pour la modique somme de 49 245 euros, un cadeau idéal à offrir à l’anniversaire du cousin Kévin pour aller avec son faux sweat Supreme.
Le streetwear, dernier avatar du capitalisme mondialisé 
Évidemment, des petits malins avides d’argent facile ont rapidement développé un véritable business de la revente, achetant les chaussures à leur sortie pour les revendre dès que le stock initial est épuisé. Des milliers de personnes sur terre vivent maintenant exclusivement de la revente de sneakers. Certains sites, comme StockX, permettent même de spéculer et de suivre les cours de la valeur de revente. Dès lors, comment faire si l’on aime une paire mais qu’on se voit mal payer des milliers de dollars pour la porter tous les jours au lycée ? Sans parler des usines chinoises fabriquant à la chaîne des contrefaçons, souvent sur les mêmes lignes que les modèles authentiques tant convoités, venant inonder les sites de vente en ligne.
Prêts à mourir pour vos baskets ?
De nos jours, les Jordans ou les Yeezy Boost ( Kanye + Adidas ), de même que des modèles plus communs mais aussi symboliques comme les Nike TN « Requin », emblème du wesh de banlieue français, sont toujours aussi convoitées. Aux Etats-Unis, selon MTV, on dénombrerait chaque année 1200 morts dans des agressions liées à un vol de sneakers. Sans compter les habituelles émeutes dans les files d’attentes lors des sorties de Jordans … De plus, grâce à l’industrie du rap et aux réseaux sociaux, la culture sneaker prend plus d’ampleur que jamais, contaminant une population de plus en plus jeune.
Le phénomène est mondial aujourd’hui et on a beau aimer les sneakers, force est de constater deux choses : la culture street est en train de se banaliser, de s’uniformiser mais aussi peut-être de perdre son âme. Si de Sydney à Los Angeles, on porte les mêmes sneakers, où est l’intérêt ? Où est ma singularité ?Et a-t-on envie de voir le streetwear se limiter à des tenues composées uniquement de yeezys, de sweat supreme et de pantalons H&M ? Si, par ailleurs, on porte des sneakers parce qu’on aime la rue, l’underground et l’anti-conformisme, comment cautionner une tendance qui permet aux grandes marques de vendre à gogo et d’amasser des montagnes de dollars… Bref, le phénomène nous dépasse tous un peu…
Bon, sur ce, je vous laisse, je voudrais pas perdre l’enchère ebay sur la petite paire de 95 qui me tend les bras.
B8Town (texte et dessins)