L’été dernier Nick Conrad, un rappeur noir jusqu’alors méconnu, disait dans son titre PLB « Je rentre dans des crèches, je tue des bébés blancs, attrapez-les vite et pendez leurs parents / Écartelez-les pour passer le temps. / Divertir les enfants noirs, de tous âges, petits et grands / Fouettez-les fort, faites le franchement / Que ça pue la mort que ça pisse le sang ». Le voilà partout sur nos écrans accusé de racisme anti-blanc, deux termes se heurtant dans un parfait oxymore. Comment la race blanche supérieure, qui a presque créé le racisme, pourrait-elle s’en retrouver victime ?
Toute personne douée d’un minimum de réflexion est capable d’entendre que le rappeur ne fait ici qu’un rappel, en inversant la situation, des tortures infligées aux noirs durant des siècles. Le rap n’est pas un genre musical connu pour sa délicatesse : c’est volontairement cru, violent, et surtout, frappant. Vous vous en doutez, les paroles de PLB n’ont pas eu l’effet escompté. La grande vague d’indignation des médias et personnalités en tout genre a suscité de nombreux questionnements : qu’en est-il de cette nouvelle notion, le racisme anti-blanc, inventée pour se défendre contre la babtouphobie ? Existe-t-elle vraiment ?
Aujourd’hui encore la couleur de peau, l’orientation sexuelle, le genre ou la religion peuvent être des facteurs de discrimination et donc d’inégalité sociale. Être racisé en 2019, c’est subir au quotidien des discriminations en milieu scolaire, dans un entretien d’embauche, dans la recherche d’un logement… Dans les pays riches, en 2019, les citoyens à la peau noire ou trop foncée sont encore exposés à des brimades raciales allant de la « simple moquerie » au lynchage. Des jeunes filles aux cheveux afros se retrouvent complexées et se détruisent le cuir chevelu pour rentrer « dans la norme », des personnes aux origines asiatiques subissent toute leur vie des blagues sur la taille de leurs sexes, des «gnechingchongbol2nouilles », d’autres venant des pays arabes sont automatiquement catégorisés voleurs ou associés aux banlieues…
Parallèlement, les enfants se moquent aussi de celles et ceux qui ont de bonnes notes à l’école, peut-on parler d’intelligophobie ? Être intelligent et diplômé (je ne parle pas de capacités hors normes) n’est absolument pas handicapant dans notre société. Partout dans le monde, en dehors de cette classe où l’élève a 18 de moyenne, il est avantageux d’être « un intello ». Ici, il s’agit d’un harcèlement scolaire qui ne se perpétue pas en dehors. Ce harcèlement ne peut être appelé discrimination que s’il existe dans notre société toute entière (s’il est sexiste, grossophobe, raciste, transphobe, homophobe..).
Subir le racisme, c’est grandir dans un monde basé sur des théories raciales où tu es constamment réduit à ta couleur de peau et aux clichés insultants et dégradants qu’on y associe.
Mais les personnes blanches, en dehors d’éventuelles interactions violentes ponctuelles ou de blagues à peine blessantes (« le nègre là-bas il a dit que je savais pas danser parce que j’suis blanc, c’est un raciste bouhh » *whitetears*), ne sont pas rabaissées pour leur peau, jamais. Les minorités sont des victimes permanentes, moquées sur les réseaux comme dans la vraie vie, par des gens lambda comme par des intellectuels, des grandes figures publiques ou personnalités politiques. Nous n’avons jamais vu des célébrités tenir des propos anti blancs. Il n’y a même pas de véritables clichés sur « les blancs » sans distinction, qu’ils viennent d’Allemagne, de Suède ou d’ici. La xénophobie (d’ailleurs, arrêtons d’associer français et blanc) est une catastrophe bien présente en France, et bien éloignée des pseudo valeurs de notre société progressiste (soyez modernes quand ça vous arrange hein).
Alors oui, des personnes racisées peuvent nourrir des sentiments de haine envers des blancs et agir par vengeance contre leurs (pas si) anciens oppresseurs, mais c’est loin d’être une idéologie systémique, on ne peut pas qualifier ça de racisme. Le racisme actuel est inscrit dans l’Histoire, il est la conséquence de siècles de brimades et d’oppression, de crimes, d’esclavage, de colonisation, de théories raciales abjectes et absurdes qui ont placé et qui placent toujours (chez certains) les Blancs au sommet de l’échelle humaine.
L’expression « racisme anti-blancs » sert aussi le discours de partis extrémistes comme le Rassemblement national (nouveau nom du FN) sur le mode « nous avons raison de nous méfier des gens de couleur, d’ailleurs, ils sont racistes ». Tout moyen pouvant renforcer un propos est utilisé, sans se rendre compte du ridicule de la situation (petite pensée à Zemmour qui dénonçait la « culture du rap francophobe qui appelle au meurtre des Français et qui se répand dans les banlieues », logique.).
Je vois se soulever de plus en plus de voix dénonçant les injustices, j’ai foi en 2019 pour être plus efficace que 2018 dans l’avancée vers une véritable égalité et une véritable tolérance.
Koup (dessin d’Olympe)