Banana spleen

On connaît tous bien ce magasin. Mais après tout, pour nous, il n’est pas vraiment différent de Carrefour, ou de Leclerc. Ce n’est qu’un endroit où l’on va acheter des choses rangées par colonnes et en lignes, toutes biens identiques, qui nous servent dans la vie… ou pas. Là, je parle de Lidl. Il vend énormément de produits, j’aurais pu parler de tout, mais bon, je ne vais parler que des bananes ! 

Riche en glucides, en vitamines du groupe B, en potassium et en magnésium, très appréciée des sportifs, les bananes nt une cote d’enfer. Mais d’où viennent-elles ? Ou plus justement, comment arrivent-elles jusqu’à nous, et dans quelles conditions ? On n’en sait rien !

Déjà, on le voit dans notre riche et abondante vie d’occidentaux, la banane est un fruit qu’on peut acheter tout le long de l’année. En plus de ça, elle est vendue à très bas prix, et, vous vous doutez bien : elle est cultivée en masse. Pour vous donner une idée, c’est le fruit le plus vendu au monde, et alors qu’elle est importée de l’autre côté du globe, elle est en moyenne un quart moins chère que la pomme, qui est un fruit européen local. En plus, c’est la culture la plus chimiquement traitée au monde, avec le coton. Alors, commençons par le commencement. Elle se vendent donc à prix très bas. Et plus le prix est bas, plus on vend, et plus on vend, plus on produit, et plus on produit, plus on s’enrichit, et plus on s’enrichit, plus on produit. On voit bien que le mot préféré des gens à la tête des entreprises de notre charmante planète est définitivement le mot « plus ». Ensuite, si elle est chimiquement traitée, vous pensez bien que je vais parler de pesticides. Oxamyl, paraquat, mancozeb, glyphosate…

Bref tant de noms qui ne nous disent rien, et qui font tous un peu peur. Quand on en voit les conséquences, ce n’est pas beau à voir.

Mettons que je m’appelle Miguel, un travailleur chez Lidl qui cultive les champs de bananes au Pérou. Je suis donc Miguel, et j’habite à proximité des plantations. Je suis en danger, non seulement quand je travaille, mais perpétuellement dans ma vie (car les pesticides sont destructeurs pour la biodiversité : maladies, contamination de l’eau, de la faune et de la flore) et mon village et ma famille sont en danger de santé tout autant que moi. Ensuite, quand je travaille, il m’est possible d’attraper plusieurs maladies qui font un petit peu mal : j’ai mal à la tête, mon cœur bat irrégulièrement, je peux devenir schizophrène, vomir, m’évanouir, attraper un cancer (du col de l’utérus ou des testicules), je peux même devenir stérile, et bien d’autres aventures encore…

C’est cool, hein !

Evidemment, je suis sous-payé, car bien sûr, Lidl ne fait pas les choses à moitié. Pour vous donner des chiffres, un travailleur de l’équateur gagne 1,5 euros par heure et l’entreprise Lidl, 724 000 euros. Donc, avec un savant calcul, ce travailleur gagne autant d’argent en un an que le directeur de Lidl n’en gagne en moins de 6 heures. Petite inégalité qui passe complètement au-dessus de notre beau monde. Certains témoignages ont été enregistrés. Dans une plantation du Palmar (situé en Colombie) 83 travailleurs sur 100 ont osé avouer qu’ils devaient travailler dans le champ pendant que les avions répandaient les pesticides, sous peine de licenciement. Un autre travailleur, au Pérou, a témoigné son expérience, et son patron, ayant pris connaissance des faits, a écrit dans les médias : « je t’aurai ! ».

On voit bien avec sidération les conditions de travail et de vie là-bas : les travailleurs font plus de huit heures par jour, sont sous-payés et ont de grands risques de santé, comme la population locale. Je ne vois pas où est le problème. Lidl a tout à fait raison de traiter ses employés de cette manière (si on peut encore appeler ça des employés). Mais que nous importe le sort de centaines de milliers de personnes qui meurent à l’autre bout du globe cause de nos achats. Tout ce qui nous importe, ce sont les banana split !

C’est bien triste, et désastreux. C’est tout aussi difficile d’en parler dans les médias, car on en a marre des mauvaises nouvelles qui nous accablent tous les jours. Alors, pourquoi écrire des articles comme ça ?

Tout simplement parce que ce ne sont pas des nouvelles, ce sont des faits. Ce sont des choses que la plupart des gens ne savent pas. Cela m’étonnerait que vous y eussiez pensé (oui l’imparfait du subjonctif c’est grandiose !) une seule fois en prenant une banane à la cantine, et ce n’est pas du tout le but. C’est bon les bananas splits, alors pourquoi s’en priver quand on peut en manger ? Il faut juste que l’humanité prenne conscience, dans les faits négatifs (qui sont innombrables dans les médias) et dans les faits positifs (qui sont moins innombrables dans les médias).

Mais promis ! Je parlerai de choses positives la prochaine fois, parce qu’elles ne manquent pas non plus.

César (dessin d’Alexis)