C’est bien connu, les ados sont tous des boules d’hormones en fusion, en recherche perpétuelle et désespérée d’un bout de sein ou de fesse à se mettre sous la dent, ou à défaut, de représentations mentales suffisamment puissantes pour calmer leurs pulsions.
Blague à part, l’adolescence au sens large est généralement l’âge où l’on découvre la sexualité. Cela passe évidemment par les expériences personnelles, mais le contenu culturel que nous consommons joue aussi un rôle immense dans l’idée que nous nous en faisons. Il est donc intéressant d’analyser la place de la sexualité dans le contenu pensé pour les ados, et les différentes influences positives que cette représentation peut avoir sur son public.
Je vais me concentrer ici sur les œuvres littéraires, mais bien sûr cela s’applique également à tous les types de productions : la série Sex Education s’est récemment illustrée par des représentations drôles, intelligentes et décomplexées du sexe chez les ados.
Dédramatiser
Le premier avantage de ces représentations, c’est qu’elles permettent de rassurer les lecteur·ices quant à leurs propres expériences. Cela se vérifie surtout pour le thème de la ‘‘première fois’’ : la littérature pour ados la dédramatise énormément et met l’accent sur le fait que, même si c’est un moment important dans une vie, on n’est pas une personne radicalement différente après. Et surtout, cette première fois-là n’est pas très différente de toutes les autres premières fois : une expérience inédite, qui en aucun cas n’a à être parfaite pour être un bon souvenir. Tous les livres que j’ai lus insistaient là-dessus : on a toute sa vie ensuite pour apprendre à connaître son corps et à découvrir celui des autres.
Démystifier
Qu’on le veuille ou non, on a tous des idées reçues sur le sexe, que nos cours d’éducation sexuelle n’ont pas su dissiper. Et les romans qui en parlent sont un bon moyen d’en briser quelques-unes. En effet, quand on a accès aux pensées et aux émotions des personnages, (et particulièrement quand on est en découverte de sa propre sexualité), on se rend vite compte que certains de nos préjugés étaient erronés. Non, les filles n’ont pas moins envie de sexe que les garçons. Non, un rapport sexuel satisfaisant ne doit pas forcément durer trois heures. Non, la taille du pénis ne compte pas tant que ça. Et oui, les filles se masturbent aussi ! Lire sur la sexualité, c’est aussi mieux la comprendre et se déculpabiliser. De plus, de nombreux auteurs, à travers le filtre de la fiction, diffusent des messages primordiaux : les questions liées au consentement par exemple sont souvent abordées, ce qui, en plus de briser des clichés, permet d’éduquer le lecteur à une sexualité plus saine et respectueuse.
Décomplexer
En mettant des mots sur le sexe, la littérature permet aussi de lever le voile sur beaucoup de tabous, et de libérer la parole. Avoir une vie sexuelle, c’est normal, et il est tout aussi normal d’en parler, avec son/ses partenaire(s) évidemment mais aussi à d’autres personnes de confiance. Même si un livre ne pourra jamais jouer le rôle d’un professionnel (et ce n’est pas non plus le but), il peut amener à se poser des questions, à envisager de nouvelles perspectives et à envisager le sexe comme un sujet normal dont il ne faudrait jamais avoir honte.
Aborder la sexualité dans la pop culture en général, mais aussi dans les documentaires et le contenu informatif sur YouTube ou autre, c’est une manière très efficace de faire passer des messages forts, de sensibiliser et d’éduquer les ados et aussi un peu tout le monde. Cependant, ces sources ne sauraient remplacer une éducation en bonne et due forme à partir du collège (et pas juste le tuto capote !). Toutes ces briques empilées forment des bases solides qui permettent de lutter contre l’ignorance, les croyances néfastes et la culture du viol. Mais n’oublions pas non plus qu’on apprend aussi et surtout par nous-mêmes, en écoutant son corps et son partenaire. Allez bonne bourre, bye !
Conseils lecture…
Évidemment, il existe toute un flopée de romans d’amour jeunesse un peu clichés qui idéalisent la première fois et véhiculent des idées erronées (je le sais, j’en ai lu plein). Voici donc une petite liste d’excellents livres qui, promis, ne font pas lever les yeux au ciel toutes les deux pages.
Frangine de Marion Brunet : dans ce roman brillant sur l’homoparentalité, on peut lire à la fin une scène de première fois qui s’écarte énormément des sentiers battus. Très douce et réaliste, elle invite à reconsidérer les standards de la première fois ‘‘parfaite’’ et à accepter que tout ne se passe pas forcément comme prévu.
Songe à la douceur de Clémentine Beauvais : tout le roman tourne autour d’un amour adolescent qui reprend vie dix ans plus tard, et la scène de sexe à la fin en est un peu l’apogée. L’autrice met en place une ambiguïté intéressante : ce n’est pas une première fois à proprement parler, mais les amoureux apprennent à se connaître d’une façon nouvelle, et c’est comme s’ils avaient seize ans à nouveau.
16 nuances de première fois (collectif) : ce recueil de nouvelles est le support idéal pour s’ouvrir à des représentations justes et originales de la sexualité adolescente. Ces 16 histoires laissent entrevoir mille façons de vivre sa sexualité et traitent du désir, de l’appréhension et de la découverte du corps avec une finesse incroyable.
Nell
(image en une libre de droit sur flickr.com)