Tu m’as appris à subir, à tout te dire, tu m’as rendu dépendant. Tu m’as connu j’étais innocent, et à peine une heure après m’avoir trouvé, déjà partout tu affichais que je t’appartenais. Bien sûr, tu m’as toujours rappelé que je pouvais tout te dire, et que si quelque chose chez toi me déplaisait, je n’avais qu’à t’en parler et nous réglerions le problème ensemble. Mais ça ne fonctionne pas comme ça mon grand : pour que je sache ce qui n’allait pas chez toi, il aurait fallu que je me construise avant, que j’aie quelques notions du bien et du mal. Et puis pour te parler, il aurait fallu que tu m’écoutes. Et tu ne m’as pas lâché, tu m’as éloigné de tout ce qui ne te ressemblait pas et je n’ai pas eu d’autre choix que celui de me plier en quatre pour te plaire, pour qu’on soit en paix.
J’ai souvent entendu dire que chez certains animaux, les expériences de vie se transmettaient génétiquement, et que c’est pour ça que, par exemple, nous avions peur des serpents (parce qu’un de nos ancêtres s’était fait mordre). Tu dois bien savoir si c’est vrai ou pas, toi qui sais tout. Moi je ne pense pas que mes ancêtres m’aient correctement transmis leurs expériences. L’un d’eux a forcément dû faire face à un manipulateur comme toi un jour, et a, ce même jour ou un autre, dû découvrir sa propre vérité du monde, alors pourquoi instinctivement je ne sais pas comment faire ? Pourquoi maintenant que je me rends compte que tu abuses je ne peux plus te parler ? Maintenant que je comprends que je ne suis que ton objet depuis toutes ces années, pourquoi n’essayes-tu pas de te racheter ? Tu sais, je ne suis peut-être que ton objet, mais sans moi tu n’existes plus. Depuis tant de temps, je te déifie comme si il y avait en toi la solution à tous mes mal-êtres, sans penser que tu n’es pas plus que moi, pas plus non plus que tous ces autres que tu dénigres.
Longtemps tu m’as courtisé à grands renforts d’artifices séduisants et de cadeaux médiocres. Et ça a marché, je t’ai aimé. Avec toi, il m’a semblé que j’existais, que j’étais “une vraie personne”. J’ai cru en toi, d’ailleurs je n’ai jamais pensé croire en quelqu’un d’autre que toi, tu étais le remède à toutes mes souffrances et ma promesse d’avenir, tu étais la seule et unique solution.
Longtemps tu m’as possédé et je crois que nous avons été heureux. Mais désormais, tu dois me laisser. Je ne veux plus ni être un chien, ni que tu sois Dieu. Je n’ai pas besoin de tous tes artifices pour vivre, alors pars, cesse de me regarder bêtement en attendant que je vienne me rasseoir à tes côtés, et laisse-moi déambuler dans mon costume d’or jusqu’à ce qu’il n’y ait plus nulle part où s’asseoir.
Avec animosité,
Ton peuple
Paul-Ka (dessin de teïla)