L’année dernière en cours de français, j’ai eu le grand plaisir d’étudier un extrait de « De l’institution des enfants », chapitre XXV du premier tome des Essais de Montaigne (je dis cela sans ironie aucune, keur keur Montaigne), et au cours de cette étude il m’est apparu un fait assez cocasse : qu’on nous fasse étudier ce texte, qui prône l’appropriation des savoirs »pour se fabriquer son propre miel », sa propre opinion, son propre raisonnement, et finalement être formé.e.s pour notre vie d’adulte, alors que dans la pratique on est loin du compte dans notre système.
A mon sens, apprendre quelque chose, c’est planter une graine. Or, une graine, comme le savent les férus de jardinage, ne devient rien si on ne l’entretient pas. Que la graine devienne une belle plante saine et fructueuse demande du temps (donc de la patience), de l’attention (donc de la concentration), de la détermination (donc de la pugnacité).
L’école se contente souvent de planter la graine et s’enorgueillit de transmettre des savoirs aux élèves, sans leur faire prendre conscience que l’arrivée à maturité de ces savoirs-graines dépend surtout de leur propre volonté et application à la tâche.
Il faut concéder que cette affirmation est un peu exagérée : une bonne partie des professeurs que j’ai rencontrés le font. Mais où est alors le problème ? Un manque général de volonté du côté des élèves ?
Si on part du principe que oui, le problème vient des élèves, il serait plus juste, au lieu de pointer un manque de volonté, de parler du syndrome »ça fait beaucoup de pression et on est relativement paumés, merde ». Car on conviendra qu’entre le stress dû à des évaluations au système discutable Parcoursup qui, non content d’apporter une bonne dose de pression supplémentaire va nous prendre pas mal de temps, tout ce qui peut changer autour de nous (autant personnellement qu’à l’échelle du lycée ou même politiquement), et des perspectives d’avenir pas très engageantes, il n’est pas complètement absurde que notre motivation à l’instruction ne soit pas toujours optimale.
Cependant, on peut sans trop se mouiller maintenir l’idée que c’est le système en lui-même qui est en cause. Tout d’abord, pointons certaines méthodes d’enseignement, par exemple celles des langues car elle me met particulièrement en pétard. Premièrement, nos classes sont beaucoup trop nombreuses, comment dialoguer en langue étrangère dans une classe de 20 à 30 personnes ? On présente les langues comme une matière, un truc à mémoriser de plus, alors qu’apprendre une langue c’est apprendre un autre système de pensée, une autre culture, un moyen de communiquer. Le problème est qu’on n’a pas, qu’on ne nous donne pas de bonnes motivations pour apprendre les langues. A partir de là, difficile de s’investir, de participer. J’en ai beaucoup des exemples de situations absurdes, comme cet ami qui s’est vu recevoir une mauvaise note à une éval d’anglais car il avait répondu aux questions en anglais alors qu’il fallait le faire en français. Être pénalisé pour s’exprimer dans la langue qu’on est censé nous apprendre, c’est quand même fort.
Mais ça ne se limite pas à l’apprentissage des langues : on nous demande de nous instruire pour le BAC, puis pour trouver un MÉTIER, gagner de L’ARGENT et devenir de bons petits capitalistes bien ancrés dans le système. Où sont le plaisir d’apprendre, l’émulation personnelle, la formation d’un être critique, raisonné et autonome? On peut aussi souligner le fait que le système n’est pas du tout adapté aux élèves à haut-potentiel, ainsi qu’à tout type d’élève qui a le courage de sortir un peu de la norme.
Mais heureusement tout espoir n’est pas perdu : comme dit précédemment certains profs sont aussi saoulés par le système que nous, et il y a un début de prise de conscience des élèves…
J’ai bien conscience que cette tribune ne fait que pointer un problème, et n’apporte pas de solutions concrètes. Mais si on se casse tellement la tête dessus, si depuis la Renaissance on débat sur la façon d’éduquer les jeunes, si chaque gouvernement s’amuse à réformer l’éducation nationale (et ne fait finalement que déplacer des problèmes ou en créer d’autres), c’est que c’est un sujet épineux qui ne mettra jamais tout le monde d’accord.
Donc le système éducatif idéal, on en est loin, mais il faut se rappeler que chacun de nous est une potentielle force agissante ! Si on estime que l’éducation qu’on nous propose ne nous convient pas, prenons-la en main !
Yan Archie