Mesdames, messieurs, mesautres, vous avez (à moins que vous ne soyez ermites) sans doute entendu parler de la zone trouble stagnant au dessus d’Hong Kong depuis début juin ?
La révolte actuelle n’est pas la première du genre et puise ses origines dans un passé plus que tumultueux. Passons donc à la rétrospection d’une histoire hongkongaise tourmentée pour comprendre l’origine du danger qui la menace.
Le temps des colonies
Il y a un peu moins de deux cents ans, en 1842, Hong Kong (territoire situé au sud est de la Chine) devint colonie britannique, ouvrant les portes à la Grande Bretagne sur la Chine continentale.
Au début, Hong Kong n’avait rien de démocratique. Ce n’est qu’à la fin du XIXème siècle qu’un Conseil législatif (legco) fut créé et où, pour la première fois, des membres chinois furent nommés.
Plus tard, après 1945, une tentative de démocratisation fut entamée mais vite avortée. De plus, en 1949, la Chine devint communiste et s’opposa radicalement à un système démocratique avec des élections libres. A partir des années 1970, une identité locale commença à prendre forme à Hong Kong, autour de valeurs de liberté et d’égalité.
En 1979, la Chine et la Grande-Bretagne négocièrent le retour sous conditions de Hong Kong au territoire chinois.
Le contexte à cette époque était tout autrement différent qu’aujourd’hui, en effet, courant des années 1980, la Chine fut traversée par un élan démocratique qui laissait à penser qu’il eût pu aboutir.
Après 1984, la Chine se lança dans l’élaboration d’une constitution pour Hong Kong. Deux organismes furent mis en place mais s’avérèrent n’être que les copies conformes d’un modèle chinois très éloigné des valeurs démocratiques.
De plus, dans l’organisme le plus important, la majorité des représentants se trouva être des Chinois du continent et la grande minorité des hongkongais… la logique en prit un coup.S’en suivit, cinq ans plus tard, le massacre Tian’anmen, sapant toutes les bases d’un éventuel changement.
L’événement fut bouleversant pour Hong Kong, qui vit un mur se dresser devant ses aspirations. Après les faits, un million de personnes descendirent dans la rue – sur les 5 millions d’habitants ! – et dénoncèrent l’hégémonie chinoise. Tian’anmen marqua un tournant pour Hong Kong. En contre pied de cette répression, un parti démocrate fut crée en 1991 ; la même année, les premières élections au suffrage universel – même si ce ne fut que pour une petite partie du legco – eurent lieu.
Par ailleurs, depuis 1989, tous les ans, des milliers de personnes se réunissent en mémoire du massacre.
La démocratie en marche
La présence britannique donna un coup de pédale à l’avancée de la démocratie à Hong Kong.
Ce territoire au statut spécial avança crescendo vers un gouvernement démocratique mais toujours escorté par le spectre de Pékin, qui maintenait un pouvoir insidieux. Le pouvoir central de la capitale chinoise devint responsable de la défense de Hong Kong et des affaires étrangères ; en revanche, le territoire hongkongais fut libre de régler, en complète autonomie, ses affaires internes.
L’année 1997 marqua la fin du bail* de 99 ans cédé à la Chine par la Grande Bretagne. Mais cette dernière, un peu aigrie par cette fin de contrat, en vue de la puissance que représentait la Chine, tenta de maintenir sa présence sur le territoire hongkongais. Cette volonté s’avéra être impossible – à cause, entre autres, de la pression exercée par l’ONU.
1997 est aussi l’année de la rétrocession de Hong Kong à la Chine, et c’est ce traité qui a des répercutions aujourd’hui. Lors de l’accord, la Chine refusa la présence de représentants hongkongais sollicitée par les Britanniques. Les premières négociations aboutirent à ce qui fait débat actuellement : « Un pays, deux systèmes » ; par conséquent, pendant cinquante ans, Hong Kong peut rester en dehors du système socialiste de la république populaire de Chine (1997-2047). Les Anglais obtinrent l’engagement de la Chine aux yeux du monde – par le biais de l’ONU.
Dès lors, l’accord définit que le/la chef.fe de l’exécutif sera nommé.e par un comité aux ordres de Pékin, tout en prêtant allégeance au parti… et qu’un système d’élections sera organisé pour choisir les membres du Conseil législatif dont seulement la moitié est élue au suffrage universel ; comme qui dirait c’est un peu le chat qui se mord la queue.
A chaque projet de loi qui fâche, les Hongkongais descendent dans la rue, seul endroit qui permet d’empêcher leur adoption.
En 2003, le gouvernement hongkongais tenta de mettre en place l’article 23 : cet article 23 de la mini Constitution du territoire semi-autonome revenu en 1997 dans le giron de Pékin prévoyait que Hong Kong rédige un projet de loi sur la sécurité nationale pour interdire « la trahison, la sécession, (et) la subversion » contre le gouvernement central chinois. Une manifestation de 700 000 personnes permit le retrait du projet qui menaçait dangereusement les libertés civiles.
Depuis, chaque projet de loi fâcheux n’a jamais pu aboutir car à chaque fois, des milliers de personnes s’y opposèrent en manifestant.
Des crises à prévoir
Mais ces dernières années, la Chine multiplie les ingérences (enlèvements, censure…), sans grande réaction de la part du peuple hongkongais. Une passivité qui a trouvé ses limites en juin dernier, quand Carrie Lam, cheffe de l’exécutif contrôlée par Pékin, a proposé un projet de loi autorisant les extraditions vers la Chine.
La riposte est de taille et les manifestants ont, au fur et à mesure prolongé leur liste de revendications. On parle partout de la pire crise depuis la rétrocession de 1997. Mais, n’est il pas stipulé, dans l’accord même que cette démocratie résolue à durer, ne le peut en fait pas ?Une dictature comme celle de Xi Jinping et une société libre comme Hong Kong ne sont elles pas incompatibles ? Pékin ne semble pas prêt à faire la moindre concession.
Pour les Hongkongais, la mobilisation qui s’intensifie depuis juin apparaît comme leur dernière chance de sauver Hong Kong. Mais peut-on parler d’une possible chance face à la puissance chinoise ?
Néanmoins, il est actuellement inconcevable pour Pékin de reproduire un deuxième Tian’anmen, l’enjeu international est trop fort. De plus Hong Kong reste un très gros avantage pour la Chine car, en tant que « territoire douanier autonome », elle peut commercer par ce biais avec les EU avec qui les relations sont plus que tendues. Enfin, à Taïwan, les manifestations d’Hong Kong ont renforcé le pouvoir de la présidente indépendante et dans le cas d’une répression violente, les indépendantistes l’emporteraient très certainement.
Les questions restent en suspens, rien n’est encore joué et tout peut arriver.
Anjelassommoir
(image libre de droit sur flickr.com)