Si je vous dis « Katherine Johnson », « Mary Jackson » et « Dorothy Vaughan » cela vous dit quelque chose ? Non ? Et pourtant, c’est en partie grâce à ces trois fabuleuses femmes noires que la mission Apollo 11 a réussi. Elles ont dû se battre dans un monde qui ne voulait et qui ne les acceptait pas. Femmes dans un monde d’hommes. Noires dans un monde de blancs. Tout au long de leur vie, elle se sont battues pour recevoir les honneurs qui leur étaient dûs. Et elles les méritaient car leurs travaux dans la NASA ont été vitaux pour l’Amérique. En 2017 est sorti un biopic retraçant leur vie passionnante : Les figures de l’Ombre (tiré du roman de Margot Lee Shetterly Hidden Figures ). Je vous le recommande vivement. Je voulais dans cet article vous présenter les femmes qui y sont mis en scène. Vous êtes prêt ? Alors c’est parti ! Portrait(s) :
Katherine Johnson (1918-… oui elle est toujours vivante elle a actuellement 101 ans !)
Véritable prodige des mathématiques, Katherine Johnson (interprétée par Taraji P. Henson) est entrée au lycée à 10 ans (normal). Diplômée en mathématiques et en français à l’âge de 18 ans, elle fut l’une des premières étudiantes noires à intégrer l’école doctorale de l’Université de Virginie-Occidentale avant de commencer à travailler au laboratoire de Langley en 1953. Initialement enseignante, Katherine Johnson (elle s’est mariée en 1939 avec James Goble. Ils auront 3 filles : Constante, Joylette et Katherine). Elle se remariera en 1959 avec James A. Johnson. Et pour l’info, ils sont toujours ensemble ( C’est beau l’amour) a été engagée au Centre de recherche Langley de la NACA (le nom donné à ses débuts à la NASA et qui signifie National Advisory Committee for Aeronotics) en tant que « calculatrice humaine » en 1953. Il faut savoir qu’à l’époque, il n’y avait pas toutes les technologies de maintenant. L’informatique n’en est alors qu’à ses balbutiements : en 1954, le modèle 650 d’IBM, premier supercalculateur à être produit en séries, coûte 500 000 dollars et occupe un volume de plusieurs mètres cubes pour une mémoire vive de… 2 000 octets (2 ko) seulement !
Ces premiers ordinateurs surpassent déjà en capacité de calcul les simples cerveaux humains. Mais ils coûtent extrêmement chers et ne sont pas entièrement fiables : c’est pourquoi la NASA emploie encore une armée de « calculateurs humains », travaillant sans relâche à établir les trajectoires et autres paramètres des vols. Si le terme anglais (« human computers ») ne fait pas de différence de genre, il faudrait plutôt en français parler de calculatrices : cette fonction, considérée comme moins prestigieuse, est depuis les années quarante l’apanage de la gente féminine.
Les premières sont entrées à la NASA en 1935 ; elles sont plus de 400 en 1946, la guerre ayant joué un rôle d’accélérateur. Elle continuera à travailler dans la NASA pendant de longues années et elle reçoit en 2015 la médaille présidentielle de la liberté des mains du président (de l’époque) Barack Obama.
Mary Jackson (1921-2005)
Née à Hampton en Virginie, Mary Jackson (interprétée par Janelle Monáe) était diplômée en sciences physiques et en mathématiques. Après avoir rejoint Langley en 1951, elle a gravi les échelons jusqu’au poste d’ingénieure en aérospatiale spécialisée en aérodynamique. Elle avait dû pour cela déposer une requête en justice afin d’être autorisée à intégrer l’université blanche qui dispensait les cours nécessaires pour qu’elle devienne officiellement ingénieure de la NASA. Elle est ainsi devenue la première femme afro-américaine ingénieure en aérospatiale de la NASA, et la première ingénieure noire des États-Unis. Farouchement engagée pour l’égalité entre hommes et femmes, Mary Jackson a plus tard dans sa carrière choisie d’être rétrogradée pour devenir responsable des ressources humaines, afin d’œuvrer à l’avancement des carrières féminines au sein de l’Agence.
Dorothy Vaughan (1910-2008)
Professeure de mathématiques diplômée à 19 ans, Dorothy Vaughan (incarnée à l’écran par Octavia Spencer) rejoint la NASA en 1943. Très vite, elle est promue superviseuse du West Computing Group qu’elle dirigera pendant de nombreuses années. Comprenant parmi les premières que les ordinateurs humains étaient voués à disparaître, elle apprit le langage Fortran (désolé je ne peux pas vous expliquer ce que c’est je n’ai pas le niveau) et maîtrisa rapidement la programmation des premiers appareils IBM, encourageant les femmes de son département à se former à leur tour pour sauver leurs emplois. Défendant farouchement ses employées, Dorothy Vaughan s’est battue pour la promotion et l’augmentation des salaires des femmes calculatrices, (de couleur ou non), au sein de la NASA. Elle prend sa retraite en 1971 à l’âge de 61 ans, sans avoir obtenu d’autre promotion de direction au Centre de recherche Langley. Elle décède le 10 novembre 2008 de mort naturelle à l’âge de 98 ans dans son foyer à Hampton. Dorothy Vaughan repose maintenant au « Hampton Memorial Gardens » à Hampton (en Virginie).
Voilà, vous connaissez maintenant ces trois brillantes personnes qui sont malheureusement peu (re)connues. Je me suis limité à leur biographie mais j’aurais pu parler du contexte historique (la Guerre froide) et de la condition des personnes de couleur dans l’Amérique des années 60. Peut-être pour un prochain article.
Swann
(images libre de droit sur flickr.com et affiche officielle du film)