Le Joker, « Very Mad Trip »

Aujourd’hui parlons d’un film sorti il y a près de 2 mois et qui a fait polémique : il s’agit du fameux Joker ! Nous découvrirons l’histoire de ce film et du personnage du Joker dans l’univers DC Comics puis nous aborderons la forte polémique qu’a suscité ce film lors de sa sortie (surtout aux Etats-Unis). Alors préparez votre plus beau sourire car vous allez plonger dans un monde sombre où la violence côtoie la folie…

Mais qui est le Joker ?

Avant de vous parler du film en lui-même, commençons par une petite présentation du méchant le plus célèbre de DC Comics ! Tout d’abord, le Joker est « né » de l’esprit de Jerry Robinson, de Bill Finger et Bob Kane (trois grands dessinateurs et scénaristes qui sont aussi les créateurs du personnage de Batman). Il a fait sa première apparition au printemps 1940. Au fil du temps, il est devenu l’ennemi numéro 1 de Batman et l’on peut dire aujourd’hui qu’il est l’un des personnages les plus emblématiques (et reconnus) dans la culture populaire. En effet, le Joker s’est vu adapté en séries et en films ou encore en divers produits dérivés tel que les vêtements ou les jouets… Il est d’ailleurs reconnu comme l’un des meilleurs méchants de bande-dessinée.

Et impossible de passer à côté de lui : il a la peau blanche et ses cheveux sont verts. Il arbore également un large sourire appuyé par un maquillage rouge au niveau des lèvres ! Il porte un costume violet ou mauve (cela dépend des comics ou des adaptations). En bref, il se dégage de lui une aura mystérieuse et malaisante. De plus, le Joker a une personnalité à l’image de son apparence : il est extrêmement manipulateur et conçoit des plans qu’il est capable d’adapter et de modifier constamment. Il n’a ni morale ni éthique : il fait le mal pour le mal. De même, sa personnalité est fondamentalement liée à celle de Batman : l’un rit sans cesse, l’autre est austère, l’un est blanc, l’autre est noir… Mais chacun, à sa façon, détourne la loi et l’ordre établi pour assouvir leurs vengeances : Joker sur les innocents, Batman sur les coupables.

Joker, le film

Revenons-en au sujet : le film sur les débuts du Joker, sorti le 9 octobre 2019 avec le talentueux Joaquin Phoenix dans le rôle principal. Réalisé par Todd Philipps et très attendu par les fans, le film a fait 330 millions d’entrée aux Etats-Unis et plus de 5 millions en France soit un total d’1 milliard dans le monde ! Acclamé par la critique, il a reçu le Lion d’or de la Mostra de Venise 2019 (avec une ovation de 8 minutes). L’histoire se déroule en 1981, à Gotham City et suit la vie d’Arthur Fleck. C’est un homme méprisé et incompris par ceux qui lui font face, souffrant de troubles mentaux le poussant à rire sans le vouloir (souvent à des moments inopportuns). Il mène une vie morne en marge de la société et habite dans un immeuble miteux avec sa mère Penny. Mais, à la suite d’un événement, il va basculer dans la folie et devenir le Joker, un dangereux tueur psychopathe.

Dans Joker, Todd Philipps construit une mécanique psychologique à travers laquelle il explique l’origine de la violence du Joker, ce qui lui a valu de se faire rejeter par une partie des critiques comme France Inter ou Télérama jugeant que le film faisait l’apologie de la violence. C’est un environnement ultra-référencé d’un point de vue purement esthétique mais aussi cinématographique qui est dépeint dans ce Gotham des années 80. Ainsi, si l’on est attentif, le film fait de nombreux clins d’œil à des films comme Taxi Driver ou La Valse des Pantins. Cependant, ce que le public attendait était Joaquin Phoenix qui a eu la délicate tâche d’endosser le rôle du Joker (après la performance mitigée de Jared Leto dans Suicide Squad et la magnifique prestation d’Heath Ledger qui lui avait valu un Oscar posthume du meilleur acteur dans un second rôle), mais il a su se montrer convaincant et diablement efficace. L’acteur a même perdu 23,6 kg pour jouer son personnage !

On peut donc dire que Joker est un grand film sur l’humiliation, sur l’impunité totale dans laquelle se croient les puissants face aux plus corvéables.

Car si l’action se déroule dans les années 80, Joker s’inscrit pleinement dans notre époque, celle où peuple et élites médiatiques mais aussi politiques et économiques semblent devenus définitivement irréconciliables.

L’intrique commence en 1891, année où l’Amérique connaît des difficultés économiques (dues au deuxième choc pétrolier) et c’est donc ce climat de crise qui sert de terrain d’expression pour Todd Philipps, justifiant par ailleurs l’insalubrité de la ville de Gotham.

Plus qu’une situation sociale et politique délétère, Joker présente la fin du rêve américain : celle d’une société moderne où les structures traditionnelles se sont délitées et où la seule manière de conserver une société stable se limite malheureusement à une perfusion d’argent public. Joker montre ainsi habilement comment une société (à la base bancale) peut sombrer très rapidement dans l’insurrection et la violence.

Au tout début du film, lorsque Arthur Fleck est battu par des adolescents dans la rue sans raison, Todd Philipps ne dénonce pas seulement l’atmosphère toxique qui était alors en place dans ces années-là mais bien que, si le futur clown est devenu « fou et méchant », c’est tout simplement parce que le climat social ne jouait pas en sa faveur et qu’il a choisi de réagir en conséquence par la violence. Les passages montrant les meurtres violents qu’il commet, ses moments de folie, vise à encourager la bienveillance et même la compassion chez le spectateur. Car si le Joker est violent et agressif, c’est uniquement parce que des motifs externes (misère, violence sociale…) et internes (ses troubles mentaux par exemple) l’ont poussé dans cette voix. Au final, avait-il le choix ? Peut-on le blâmer d’avoir sombré dans la violence pour s’en sortir ?

Joker, une œuvre controversée

Néanmoins, la sortie du Joker a suscité une énorme polémique, certains accusant le film d’être une apologie de la violence blanche, voire une représentation complaisante de masculinisme ! Une vague d’inquiétude a ainsi été soulevée parmi plusieurs journalistes et personnalités principalement aux Etats-Unis.

On se souvient qu’en 2012, lors d’une projection du film The Dark Night Rises, un individu grimé en Joker avait ouvert le feu dans un cinéma d’Aurora dans le Colorado faisant 58 blessés et 12 morts. Les proches des victimes ont alerté Warner Bros pensant que la sortie du Joker allait perpétrer d’autres fusillades ce qui a conduit à de nombreuses mesures de sécurité (fouille des sacs, installation de policiers armés…).

De plus, le film a été soupçonné d’être pro-incels ; une communauté en ligne d’hommes misogynes et célibataires tenant les femmes responsables de leurs célibats ! Ils sont plusieurs dizaines de milliers et ont perpétré plusieurs tueries de masses ! Je vous conseille d’aller voir le documentaire Shy Boys : IRL pour plus d’informations.

Au final, que l’on adhère ou pas aux controverses qui entourent ce film complexe, il est nécessaire de souligner le fait que ce dernier a le mérite de faire débattre le public : une discussion importante à moins d’un an de la prochaine élection présidentielle américaine.

Swann (illustration de Marie)