C’est l’âme en joie que nous commençâmes notre enquête lorsque nous apprîmes que l’hôtel de ville de Lanester était en forme de faucille et de marteau. (Pause, on vous laisse digérer le truc.) Il fallait nous en assurer. Nous partîmes gais comme des pinsons à la rencontre de nos chers et tendres Lanesteriens pour savoir de quoi il en retournait et ce qu’ils en pensaient.
Nous fûmes ainsi lâchés dans les rues de notre ville. Notre première victime était une personne âgée, petite, qui, je cite : « n’avait pas le temps ». Ceci n’était que le début d’une longue liste d’échecs. Entre les personnes qui avaient leur mari qui les attendait dans la voiture, ceux qui faisaient leurs courses et ceux qui n’avaient même pas le temps de vous répondre, l’enquête s’annonçait ardue. Oui, les Lanesteriens sont de nature pressée.
Les premières personnes à accepter de nous répondre étaient trois lycéennes de Jean Macé (Youpi hourra !). Nous leur apprîmes l’infâme complot et message subliminal laissé par la magistrature de Lanester. Elles nous dirent : « Ah oui, c’est communiste. ». L’une d’entre elles nous dira « Ça me déplaît. » Quand une autre nous apprendra « De toute façon, moi, j’adore Hitler » (c’est un hors-sujet, je vous l’accorde, mais bon… nous on fait que retranscrire).
Plus loin, nous croisâmes un jeune qui apparemment s’en fichait comme de sa première playstation : « C’est leur choix, c’est leur choix ! Ça ne me regarde pas. »
A ce moment des investigations, nous nous dîmes : « ou bien les Lanesteriens ne comprennent pas, ou bien il n’en ont rien à cirer ». C’est en croisant d’autres apolitiques que nous fûmes désespérés.
Le courage nous revint lorsque nous vîmes, au loin, des volutes de fumées, un punk à chien et ses amis. Nous les informâmes du fait divers. Ils nous répondirent du tac au tac : « C’est vrai qu’on savait pas ! Mais c’est pas cool ! C’est censé représenter la ville, alors que nous, on est anarchistes. » Ils s’indignèrent encore maintes et maintes fois avant de nous dire :
« Ben allez leur demander à eux ! Allez à la mairie pour voir ! »
Excellente idée qu’ils eurent ! Ni une ni deux, nous prîmes nos petits petons et nous nous précipitâmes à l’Hôtel de ville où nous fûmes redirigés vers les archives. Pour nous faire patienter, l’archiviste nous mit en main le dossier intitulé « hôtel de ville ».
Précisons ici que Lanester a toujours été gérée par une majorité de gauche (en particulier par le Parti Communiste Français, seul de 1945 à 1971, puis à la tête d’une liste d’union de la gauche de 1971 à 2001). Depuis 2001, l’équipe au pouvoir, apparentée PS, s’est donnée l’étiquette « citoyenne » et revendique un programme dit de « démocratie participative » .
Ainsi, nous lûmes cet épais amas de feuilles ne mentionnant à aucun moment l’objet de notre quête : la confirmation que l’architecture de la mairie rendait hommage aux célèbres outils symbolisant le communisme : la faucille et le marteau.
En contre partie, nous apprîmes que la mairie actuelle était le Premier hôtel de ville construit à Lanester. Inauguré en 1989, il fêta le 80eme annniversaire de la Commune et le bicentenaire de la Révolution française.
A l’époque, Jacques David-Léna ressortait vainqueur du concours d’architecture en proposant un bâtiment qui mettait en valeur le site (l’espace Mandela) et la ville. Ses partis pris voulaient que l’intérieur ait l’aspect d’un paquebot. Effectivement, dans le hall d’entrée, nous trouvâmes mâts, cursives et cables.
Nous épluchâmes le dossier mais ne tombâmes que sur des indices implicites. Par exemple, David-Léna remportait le concours (avec 9 voies sur 14) et était le seul à proposer cette image subliminale, il était mentionné dans les attentes du concours « un aspect extérieur travaillé ». À l’inauguration du bâtiment, il fût décrit comme ayant un style stalinien.
Ainsi nous restâmes sur notre faim.
C’est alors que l’archiviste vint à notre rencontre, nous lui fîmes immédiatement part de notre déception…
Attention, à ce moment du texte, nous allons mettre un petit peu de suspens.
Voilà.
L’information qu’elle nous communiqua allait être la plus grosse désillusion de notre vie. Et même plus. Tout l’univers que nous croyions être le nôtre depuis notre enfance, la plus tendre, la plus profonde, s’écroula le temps d’une phrase.
La mairie de Lanester n’avait pas été volontairement construite en forme de faucille et de marteau ! La grande tristesse qui fût la nôtre ne nous sembla pas plus viable qu’un pétale de fleur plus innocent que l’oisillon voletant dans le monde hostile et cruel qu’était le nôtre.
Ô rage, Ô désespoir !!!! (Wow, t’en fais un peu trop. Désolé.)
Effectivement, c’est un journal satirique Lorientais (La Puce Qui Renifle) qui émit cette Fake new peu après l’inauguration. Une fake new qui allait devenir légende urbaine. Mais aujourd’hui, nous vous avons apporté la vérité et tous ensemble, nous la connaissons maintenant.
Jean-Luc et Lémouches (illustration de Lison)