Récemment, le débat sur la PMA a fait ressortir celui, immémorial, sur la prostitution. Mais, soyons clairs, pour ouvrir un débat, il faut déjà s’entendre sur les termes et définitions assignés au sujet, n’est-ce pas ? Eh bien, ici, les mots ne messiéent pas (ne me conviennent pas!). Ainsi, notre point de vue, sur ce sujet, n’est-il pas orienté par cette construction sociale qu’est la morale ? Qu’en est-il aujourd’hui ? De quoi parle-t-on ? Où en sommes nous avec la prostitution ?
Cet article traitera de la prostitution à l’échelle nationale et à ses différents niveaux mais seulement des personnes adultes (la prostitution des enfants serait un article à part entière) et non migrantes.
Tout d’abord, comment définir la prostitution ? Pour ce cas, il est acceptable qu’on s’en tînt aux termes de la loi, qui décrète que la prostitution « consiste à se prêter, moyennant une rémunération, à des contacts physiques de quelque nature qu’ils soient, afin de satisfaire les besoins sexuels d’autrui ». Seulement, dès lors qu’on tente d’approfondir la question on tombe sur un contre-sens critique qui stérilise le débat : la prostitution est considérée comme une traite.
Dans un de ses textes, Saint Thomas D’Aquin explique qu’interpréter une loi, c’est l’adapter aux situations particulières. Or la loi ne fait pas état de ces situations particulières quand il est question de la prostitution. Mais pourquoi donc ?
Une question de morale ? Un sujet qui choque nos codes sociaux ? Cette part est plus que prépondérante. La France est historiquement très prude (merci Freud) et les questions liées au sexe sont absolument taboues.
Je comprends que cela suffise au gouvernement pour n’orchestrer que des études qui vont dans son sens : les prostitué.es sont tous.tes des victimes, les proxénètes et les clients sont tous des méchants et « par définition, il n’y a pas d’intime pour les prostituées. » peut on lire sur le site du Sénat.
C’est tellement plus facile de dire que toutes les tds (travaileur.euse du sexe) sont des victimes, c’est socialement correct, c’est moralement correct. Mais iels en pensent quoi au juste ? (évidemment je ne parle pas de toutes les prostitutions).
Logiquement, j’eusse aimé me référer à des études, des chiffres, quelque chose de concret… Mais il n’y en a pas, ou très peu et celles qui existent ont été faites il y a une dizaine d’années ou bien confondent tout type de prostitution (et sont donc faussées). Que peut-on en déduire ? Je n’en sais rien. Ce qui fait sens en tout cas c’est de se demander comment est-ce possible de faire des lois sur la prostitution si les concerné.es ne sont pas représenté.es ?
Un.e tds qui aime son métier, pour l’administration française ça n’existe pas. Un.e tds indépendant.e non plus (mais alors, pourquoi doivent-iels se déclarer aux impôts ? Hypocrisie !)
En février dernier, la loi sur la taxation des clients (qui encourent une amende de 1500 euros et de 3750 si récidive) qui fait débat depuis son adoption controversée en 2016 a refait surface. Pour le législateur, cette loi est conforme à la Constitution, elle ne porte pas atteinte aux droits («droit à la vie privée et à l’autonomie personnelle», «droit à la liberté d’entreprendre» et «principe de nécessité et de proportionnalité des peines») et libertés des prostitué.es ; il affirme que « dans leur très grande majorité, les personnes qui se livrent à la prostitution sont victimes du proxénétisme et de la traite et que ces infractions sont rendues possibles par l’existence d’une demande de relations sexuelles tarifées ». En d’autres termes, cette
loi fait un consensus global quant aux cas si diverses des personnes prostituées (qu’en est-il des camgirls, des auto-entrepreneur.es, des proxénètes honnêtes, des migrantes?). Qu’en est-il de la petite majorité ? Oubliée ?
Mais si cette nouvelle loi vise à « assurer la sauvegarde de la dignité de la personne humaine contre ces formes d’asservissement et [poursuit] l’objectif de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l’ordre public » alors, toutes ces personnes qui vivent de ce marché se retrouveront-elles sans travail ? Pas exactement, elles seront davantage sujettes à la précarité.
N’est-ce pas se voiler la face que de croire qu’en pénalisant les clients, ils vont disparaître? C’est vrai qu’avec la pénalisation du cannabis, les consommateurs ont disparu ! Le marché du sexe existe depuis des milliers d’années. Pourquoi ? Parce que la demande est constante, et ce, malgré la législation.
Cette loi est accusée d’avoir renforcé «l’isolement et la clandestinité et les pratiques à risques des prostituées. Ainsi que de les exposer à davantage de violences ». De plus, menacer les clients ne reviendrait-il pas à porter atteinte à leur « droit au respect de [leur] vie privée » ?
Ce qui reviendrait au même cas de figure que pour les personnes en situation de handicap, n’est-ce pas ? Les clients ne sont-ils pas dans l’impossibilité également de jouir de leur droit ? Sur le site de la protection juridique des majeurs on peut lire qu’« une vie affective et/ou sexuelle épanouissante peut être reconnue comme un besoin fondamental de l’être humain, sans considération a priori d’âge, de handicap ou de lieu de vie. » (évidemment les personnes asexuelles ne sont pas concernées).
C’est là que la distinction est nécessaire, ce consensus global qui englobe tous les cas de prostitutions sans différences est néfaste.
Mais plus encore, il est le reflet de la vision qu’a la société sur la prostitution : une pratique sale, dégradante, qui ne peut évidemment pas être voulue et donc ne peut pas être considérée comme un travail. Si on s’en tient à cette approche, alors oui, la loi est cohérente lorsqu’elle ne distingue rien. Si elle considère que la prostitution est nécessairement forcée alors oui, il est normal qu’elle l’associe à la traite des êtres humains et au non respect de la dignité humaine.
L’argument que promeut la loi ne tient pas : pénaliser la prostitution pour mieux protéger les tds; mais si, en effet certains.es travailleurs.euses du sexe sont en danger, qu’en est-il des ouvriers d’usines, qui travaillent dans des conditions plus que délétères ? Ah non, pas touche à la mondialisation ! Mais des femmes qui vendent leur prestations sexuelles, on n’en veut pas, c’est immoral ! Une femme maîtresse de sa sexualité ? Argh, ça pique (patriarcat salut salut). Entre commerce et prostitution, n’y-a-t-il qu’une simple barrière morale ?
Selon les mots de Philippe Huneman apparemment « payer (ou être payé) pour jouir (ou faire jouir), c’est mal. »
Pourquoi est-ce mal de préférer recevoir et donner du plaisir en échange d’argent plutôt que travailler à se ruiner la santé dans des hôpitaux en sous-effectif ? Les pauvres chéri.es iels sont obligé.es de se prostituer parce qu’iels ont des problèmes financiers. Mais n’y a-t-il qu’iels qui vont travailler pour ces raisons ? Une prostituée anonyme dans un article de l’Express s’exprime sur ce point : « Bien sûr, il peut y avoir des contraintes économiques, mais lorsqu’on ira tous travailler par vocation, on en reparlera ».
Évidemment, je ne nie pas que les réseaux de prostitutions de type traite existent ni qu’ils sont majoritaires – en tout cas dans le monde (il n’y a pas de chiffres précis pour la France) -, je veux dire que la prostitution ne se résume pas à des prostitué.e.s victimes de réseaux criminels qui les forcent à vendre leur corps.
J’ai essayé, du mieux que j’ai pu, d’éclairer ce sujet on ne peut plus d’actualité même s’il y aurait encore tant de choses à clarifier. Je vous laisse rechercher, tant que vous pouvez.
Anjela (illustration de Supercalifragili)