Le fléau des féminicides

Avant de commencer

Tout d’abord, il faut faire un point de vocabulaire. Qu’est-ce qu’un féminicide ? Qu’est-ce qui le différencie d’une violence conjugale, d’un viol, d’un homicide ? Contrairement à ce qu’on peut penser, le féminicide n’est pas seulement le meurtre d’une femme. C’est le meurtre d’une femme en raison de son sexe et par seul prétexte qu’elle est une femme.
Une violence conjugale peut inclure un féminicide mais aussi un agissement sexiste (une remarque insultante par exemple), une injure (publique ou non publique), un harcèlement sexuel (qui commence dès la deuxième injure ou le deuxième comportement sexiste), ou un viol (qui est pénalement différent d’une agression sexuelle, à tort, puisque tous deux sont séparés par l’acte de la pénétration, qui est et doit être pensé aussi réfléchi et grave que l’attouchement). Un homicide est un meurtre d’un individu par autrui, sans aucune distinction de sexe ou de genre, ce qui le différencie donc du féminicide. Un viol est un acte sexuel avec ou sans pénétration non consenti par les deux (ou trois, ou plus…) partenaires.
Et petit rappel : ceci N’est PAS un consentement quand la personne dit non, quand elle hésite, quand elle ne veut finalement plus, quand elle est forcée ou manipulée (par du chantage ou de la provocation violente), quand elle dort, quand elle est dans un état second ou inconsciente, quand elle est habillée sexy, quand elle veut séduire ou quand elle a envoyé un nude.

Ensuite, les raisons du viol n’ont aucun rapport avec l’origine du violeur, ni avec son expérience sexuelle, ni avec sa classe sociale, ni avec sa religion, ni avec la tenue ou le physique ou l’attitude ou l’âge de la victime… la seule raison, c’est le violeur. Et enfin, la culture du viol est ce qui favorise le viol.
C’est le manque d’éducation sexuelle et d’éducation du consentement mutuel, c’est la protection des agresseurs (Polanski c’est pour toi), c’est négliger l’urgence des faits, c’est parler « d’abus », « d’attouchement » pour qualifier les viols.

Pardonnez cette longue préface qui élargit du féminicide jusqu’au viol, mais je l’ai jugée nécessaire.
De la culture de la domination

D’après l’ONU on suppose que plus de la moitié des 87 000 femmes assassinées dans le monde en 2017 sont mortes de féminicides. En France, les statistiques montrent que le nombre de féminicides s’aggrave d’année en année. En 2019, 1 femme est tuée tous les trois jours par un proche. En 2020, 1 femme est tuée tous les deux jours par un proche. Ce n’est que trop peu relevé par le gouvernement, les médias connus et populaires, et les autorités. Et leur langage ainsi que leur inaction ont une grande importance dans la construction des stéréotypes.

Par exemple, autour de la polémique de Polanski (dont je ne traiterai pas l’ambiguïté de sa personne/artiste), le magazine Paris Match lui a offert sa Une avec la citation suivante : « On essaie de faire de moi un monstre ».

L’art ne nous aide pas majoritairement dans cette voie là non plus. On voit qu’il y a dans la majeure partie des films, des chansons, des livres de tout temps qui créent ces stéréotypes tout comme la culture du viol. La bête humaine de Zola qui date de la fin du XIXe siècle relate l’histoire d’un féminicide déguisé en malédiction héréditaire. Plus vieux encore, les contes comme la Belle au Bois Dormant où la Belle épouse un homme qu’elle ne connaît même pas mais qui vient de lui « arracher un baiser au sommeil ». Plus mystique encore : la guerre de Troie dans l’Iliade d’Homère change les femmes en marchandise, en butin de guerre et en objet sexuels.
Mais au XXe siècle on voit encore la femme qui refuse et finalement s’incline sous la soi-disant virilité de l’homme. Il était une fois la révolution, réalisé par Sergio Leone, débute sur une scène de viol cruelle qui caractérise pourtant le personnage principal auquel on s’identifiera pendant tout le film. Tout comme la culture du viol, on a inventé la culture du féminicide.

L’éveil collectif

Si peu d’informations sont relevés par agissements publiques que la grande majorité de ceux qui s’intéressent au sujet en apprennent par des gens. C’est d’ailleurs l’un des seuls points franchement motivants. Des mouvements d’activistes féministes se créent, en masse, pour montrer l’ampleur du massacre et dans le but de faire réagir l’Etat. Pour cela, il/elle collent des slogans dans les rues à partir de témoignages ou à partir de faits réels. C’est un mouvement illégal que de coller des affiches sur les murs.

Camille Lextray témoigne : « On était 7 à coller, on s’est toutes les 7 faites verbalisées, et les policiers sont arrivés au bout de trois minutes. Le nombre de témoignages de personnes qui appellent pour dénoncer des violences conjugales et que la police leur dit : on ne va pas se déplacer pour une dispute… On est arrêté plus facilement en France aujourd’hui quand on colle des affiches contre le féminicide que lorsqu’on commet un féminicide » (reportage de Konbini).

C’est ce que dénonce Ernestine Ronai (co-présidente de la Commission violences au Haut Conseil à l’Egalité Femme-Homme) : « La loi pourrait permettre beaucoup de protection, malheureusement c’est insuffisamment mis en œuvre » (interview de France Culture). Il est alors absolument nécessaire de considérer la dangerosité des hommes violents, et surtout de valoriser la crédibilité des victimes. Quand une femme révèle des violences lors d’un appel à un service social, ou à la police, il faut la croire et lui permettre de dire l’ampleur des violences, et notamment des premières violences qui sont les plus importantes puisqu’elles empêchent l’aggravation de la situation.

On connaît tous dans notre entourage une ou plusieurs personnes qui a vécu une relation amoureuse toxique, c’est-à-dire une relation où la personne ne se sent pas en confiance avec le/la/les partenaire.s, ou bien en danger et qui n’aboutit à aucune poursuite.

Qui sont les Incel ?

On voit que certains sociologues s’intéressent à une partie des hommes nommés « Incel » (Involuntary Celibate). Les incels regrouperaient les hommes célibataires hétérosexuels, en général âgés de 18 à 35 ans et qui ont un point commun : une haine envers les femmes qu’ils accusent d’être les responsables de leur célibat. On peut en effet constater qu’il y a des sites exclusivement masculins et interdits aux femmes. Mais ce n’est que de la pure contingence ! Il peut y avoir autant de personnes sans expérience qu’avec expérience qui peuvent avoir une haine envers les femmes. Il peut y avoir autant de personnes hétérosexuelles qu’homosexuelles, que pansexuelles (ayant une attirance pour les hommes, les femmes mais aussi les personnes non-binaires), que sapiosexuelles (ayant une attirance primordiale pour la relation humaine et intelligente avec qui que ce soit), que bisexuelles (ayant une attirance pour les hommes et les femmes), qu’asexuées (n’ayant pas d’attirances sexuelles) qui peuvent avoir une haine pour les femmes. Il peut y avoir autant de personnes hommes que femme, que cis-genre (appartenant au genre du sexe attribué à la naissance), que transgenre (n’appartenant pas au genre attribué à la naissance), que non-binaire (n’appartenant ni au genre masculin, ni au genre féminin) qui peuvent avoir une haine pour les femmes. Il n’est pas nécessaire d’être un homme cis-genre hétérosexuel pour haïr les femmes. Et surtout, tous les hommes cis-genre hétérosexuels ne haïssent pas les femmes. Heureusement ! Mais d’où viennent-t-ils alors, ces personnes qui haïssent les femmes ? Qui sont-ils ? Voici la réponse : ce sont tout simplement des gros cons. Plus sérieusement, des personnes en grand manque d’éducation et d’ouverture d’esprit humaine et relationnelle. C’est-à-dire qu’ils viennent de partout, comme pour les violeurs, comme pour les agresseurs.

Pour conclure, on sait que même si on agit massivement pour que l’Etat réagisse, c’est difficile de se faire entendre au niveau du gouvernement. Alors il faut bouger à notre échelle, rejoindre des mouvements, aider des proches, réfléchir sur la culture du viol et à la culture du féminicide, se remettre en question et se demander si l’on donne le comportement qu’on aimerait recevoir d’autrui… Je finirai avec cette phrase d’Ernestine Ronai : Ce n’est pas une mesure que l’on doit adopter. C’est un changement de mentalité. »

César

(photo libre de droit : slogan lors d’une manifestation à Paris contre mes violences faites aux femmes en novembre 2019).