Le costume est-il mort ?

Possédez-vous un costume ? Par costume, je veux parler ici d’une « Tenue d’homme constituée d’une veste et d’un pantalon assortis et éventuellement d’un gilet. » Aujourd’hui, le costume est en déclin si l’on en croit les chiffres. En effet, de 2011 à 2019, les ventes de costumes ont diminué de 58 %. En 2012, 15 % des hommes avaient acheté un costume dans l’année, contre 6 % aujourd’hui. Le costume vit-il ses dernières heures ?

Au même moment, on assiste à une véritable évolution vers la décontraction progressive des vêtements. Ainsi, vous connaissez peut-être le casual friday : une coutume suivie dans certaines entreprises qui laisse les employés s’habiller de manière plus décontractée le vendredi. Même les milieux les plus formels, comme la banque, tendent à se “casualiser”. Par exemple, la Goldman Sachs a récemment assoupli ses codes vestimentaires, n’imposant plus le costume-cravate tous les jours.

C’est en partie pour convenir aux jeunes, qui sont neufs sur dix à penser que les salariés au sein d’une entreprise sans obligations vestimentaires sont plus heureux et productifs.

Les codes changent avec l’arrivée des millenials qui n’ont pas l’envie de reprendre les costumes et conventions d’avant. La hiérarchie de l’entreprise évolue aussi. Les patrons et les managers eux-mêmes souhaitent se rapprocher de leur équipe en délaissant costume et cravate.  Alors le costume sera-t-il toujours présent dans 10 ans ? Assurément oui ! Sans l’obligation de porter un costume, la plupart des hommes s’en sépareront avec plaisir.

Le costume, en dehors des célébrations spéciales comme les mariages ou autres cérémonies, force est de constater qu’il se raréfie. Cependant, naît depuis les années 2000 et l’arrivée d’Internet une communauté d’hommes qui portent le costume avec passion.

Prenons l’exemple du marché du neckwear (les accessoires de cou, ce qui comprend les cravates, nœuds papillon, foulards…) qui représentait 1,8 milliards de $ en 1995 et qui est passé à 418 millions en 2009. D’un côté, le marché a baissé en volume, car moins d’hommes achètent des cravates. Mais la qualité de l’offre s’est largement améliorée pour répondre à des initiés qui n’ont pas les mêmes envies et besoins. Et aujourd’hui, cette communauté de passionnés est en pleine croissance, notamment grâce à de nombreux blogs de qualité qui partagent ces connaissances et cet enthousiasme pour l’art tailleur.

Le costume souffre aussi d’une image poussiéreuse auprès des jeunes, très liée au travail, qui laisserait peu de place à l’expression de ses propres goûts. Alors que non il n’existe pas que des costumes gris foncés et bleu marine tout lisse, mais une pléthore de choix !
Par exemple la diversité des tissus : matières, couleurs, motifs tailleurs… En 2013, la fabrique de tissus italiens Vitale Barberis Canonico comptait plus de 4 000 tissus ! Le choix des revers, 2 ou 3 boutons, deux ou trois pièces, etc., ainsi que les accessoires permettent au contraire de s’exprimer et d’affirmer son style par le costume. Cependant, le tailoring est très codifié et rempli de conventions. En effet, couleur des chaussures en ville, longueur des manches, de la veste…

Mais ces règles ont toutes une raison historique, ce qui les rend intéressantes ! Par exemple, selon la coutume, le dernier bouton d’une veste doit toujours être ouvert. Cela viendrait du roi Édouard VII (1841-1910) qui à cause d’un embonpoint ne pouvait pas boutonner le dernier bouton de sa veste, puis la cour s’y serait mise. Toujours aujourd’hui, il est de bon goût de respecter cette règle.

On peut reprocher au style tailoring de représenter un coût. Évidemment, car celui-ci demande des compétences rares et du temps. Un costume en Grande mesure nécessite 70 à 90 heures de travail, une paire de souliers peut demander plus d’une centaine d’étapes… Mais tout n’est pas perdu pour les petites bourses. La seconde main se prête très bien à ce style au vu de la longue durée de vie de ces vêtements. En effet, on peut retrouver des costumes, manteaux, etc. datés de 1950, 1940, voire plus ancien…

Vous connaissez déjà Vinted ou eBay. Il existe cependant des sites plus tournés tailoring : Savvy Row ou Le Vestiaire du Renard, des adresses inconnues du grand public… On peut alors accéder à des pièces uniques de grande qualité à un faible prix. Reste à trouver la perle rare !  Mais dans l’univers de l’élégance masculine, ce n’est pas tant le costume en lui-même que la philosophie derrière qui compte. On parle parfois de “fast-fashion”, une industrie du vêtement bas de gamme qui suit les modes et multiplie les collections.

L’art tailleur vise à contrario un vêtement et un artisanat de qualité, réalisé grâce à des savoir-faire uniques, qui malheureusement se perdent de nos jours, pourtant dans un monde qui se veut écologique et éthique.

Gildas (illu. de Lison)

Merci  à @croquissartoriaux sur instagram qui nous a autorisés à utiliser l’une de ses illustrations (en Une)