CONTRE les comportements sexistes

Bonjour, bonsoir mesdames messieurs mesautres qui que vous soyez, j’aimerais que de là où vous êtes, vous m’accordiiez un moment de votre attention Ce sera bref je vous rassure car « ce qui se conçoit bien s’énonce clairement » (merci Boileau).

Un soir comme tant d’autres, j’étais tranquillement en train de me faire à manger ; et ce soir-là, mon frère mangeait avec moi et ma grand-mère. J’avais déjà remarqué sa manie de toujours vouloir tout faire, cette fâcheuse tendance de croire que toutes les tâches de la maison étaient siennes.
Mais ce soir-là, je crois que ça m’a sauté aux yeux. Ma grand-mère commence à lui faire à manger (alors que mon frère sait très bien se faire à manger seul), mais pas par gentillesse, non ça se sentait que non ; par une obligation tacite inscrite comme un mécanisme automatique en elle.

Irritée de la voir s’affairer en cuisine et qui plus est de se stresser, je lui intime d’arrêter ; j’essaie de la convaincre que ce n’est pas nécessaire, que mon frère peut très bien se débrouiller seul. A quoi elle me répond qu’il ne sait pas faire. Eh bien quoi ? Ce n’est pas en restant passif et apathique que ça va changer ; s’il n’essaie pas, évidemment qu’il n’y arrivera pas ! Elle ne m’écoute déjà plus.
Quand je la regarde j’ai l’impression de voir un robot, comme si elle avait été lobotomisée, formatée pour agir d’une certaine manière. J’ai beau lui répéter mes arguments maintes et maintes fois, ils passent comme un courant d’air d’une oreille à l’autre.
Je finis par lui demander pourquoi elle fait ça, pourquoi elle s’obstine à ce point. Et là elle me répond :

« Mais c’est un homme, c’est pas son rôle de faire la cuisine ».

Donc là vous comprenez bien que moi, je bous, je me sens exploser de l’intérieur. Outrée, choquée, abasourdie, ahurie je lui renvoie : « Attends, tu penses vraiment ça??! ». Elle me répond qu’aujourd’hui c’est quand même différent, tout le monde travaille donc on doit partager les tâches, tout en continuant de préparer le repas (notons également que ce repas n’était pas pour elle mais seulement pour mon frère).

Je bois un verre d’eau et une révélation s’ouvre à moi. Je prends conscience que malgré les avancées, les centaines d’années de servitude se sont profondément inscrites en nous, même en moi, je le sens. Certains réflexes tout cons mais corroborent le fait que cette soumission inculquée par une société patriarcale est organique, elle est en nous putain. On a beau être la plus féministe qui soit, ces comportements (avoir le réflexe de faire la vaisselle, de faire le ménage, de mettre la table etc.) sont comme l’un des programmes de base d’un ordinateur. Il faut énormément de temps pour l’éradiquer, car même une fois effacé, sa présence est encore palpable.
En outre, le comportement de mon frère est aussi le résultat du comportement des femmes qui l’entourent. Tout cela N’EST PAS verbalisé, et la plupart du temps (j’entends bien ne pas faire de généralisation évidemment), les garçons se sentent moins concernés que les filles quant aux tâches ménagères, ou du moins ce n’est pas instinctif de mettre la table, faire à manger, faire la vaisselle etc.
Il faut absolument mettre en parole ces choses-là. Il faut que tout le monde prenne conscience de son comportement, et se demande pourquoi iel fait telle chose. Pourquoi ai-je tendance à croiser mes jambes ? C’est confortable ou bien instinctif ? Pourquoi me rase-je ? Je n’aime pas mes poils, je trouve cela laid ou bien j’ai honte et peur du regard des autres ? Pourquoi fais-je à manger ? J’aime cuisiner ou j’y suis obligée par je ne sais quelle voix qui m’ordonne de le faire ?

On a beau dire que notre société évolue, qu’elle est plus tolérante et ouverte, il n’en reste pas moins que nous faisons cette société et que si nous essayons tant bien que mal d’enterrer (assez foireusement) ces comportements qui restent inscrits en nous, nous n’en faisons pas assez et nous continuons à piétiner sur place. Il faut foncer dedans, de toutes ses forces.

On ne peut vraiment pas s’en tenir à des acquis car il n’y en a pas. Si on se voile la face à éviter le problème par tous les stratagèmes possibles – par peur de déplaire, de déranger, de faire chier – on n’avancera pas, c’est certain. Alors on s’en fout de déplaire, de déranger ; on fait chier et c’est tant mieux !

Luther Us (illu. d’anjela)