CRISPR Cas9 : à quand les bébés fluorescents ?

La modification génétique, thème récurent en science fiction, permet toutes les folies. Se faire pousser des ailes, avoir un bras en plus, super vitesse et autres pouvoirs hors du commun. Ce qui paraissait impossible il y a quelques décennies est maintenant bel et bien réel. Et tout cela grâce a une petite enzyme…

Commençons par une petite explication : “Clustered Regularly Interspaced Short Palindromic Repeats associated protein 9 ” ou CRISPR cas9 de son petit nom est une enzyme qui a la capacité de “couper” l’ADN, code source de notre corps. Cette enzyme a été développée par un type de bactérie particulier pour se défendre contre des virus. Ces derniers pénètrent dans la bactérie et intègrent dans son ADN des morceaux de leur propre ADN pour se reproduire.
D’une manière similaire à notre système immunitaire, la bactérie « stocke » l’ADN du virus dans son propre ADN, ce qui lui permettra de le reconnaître la prochaine fois qu’il entrera en contact avec ce dernier. C’est un fonctionnement analogue au mécanisme de vaccination chez les humains, mais en beaucoup plus avancé car héréditaire. Ainsi, si ce virus re-attaque cette bactérie ou un de ses descendants, cette bactérie utilisera donc l’enzyme CRISPR cas9 pour détruire l’ADN étrangé. Grâce à cette enzyme, il est donc possible de découper une certaine portion d’ADN, pour enlever certains gènes, ou en rajouter…

Et c’est là que réside l’intérêt de cette protéine qui peut servir d’outil d’ingénierie génétique. En développement depuis 2012, cette enzyme permet un découpage des gènes plus rapide et plus ciblé que d’anciennes méthodes. Ainsi cet outil permettrait, dans un premier temps, de mieux appréhender l’ADN pour espérer comprendre ce dernier. Plusieurs essais sont réalisés sur différents animaux jusqu’à ce qu’en 2015 des premiers essais soient réalisés sur des embryons humains à Canton en Chine.
La méthode n’en est alors qu’à l’état de prototype et ne permet pas de créer des embryons viables.

La même année se tient un meeting entre plusieurs académies scientifiques pour discuter de cette avancée scientifique. Beaucoup ont peur que la recherche ne tombe dans l’eugénisme. Il est décidé de ne pas faire de modifications génétiques à but plastique mais bel et bien médical, en retirant des gènes ou anomalies qui causerait des situations handicapantes ou débilitantes.
Or, c’est bien la définition de handicap qui dérange ici et reste floue. Cependant la Chine, ignorant totalement le précédent meeting ainsi que ce que la Convention de Genève a à dire sur la modification génétique, continue son programme.

Et c’est en 2018 que le professeur He Jiankui de Shenzhen dévoile au monde Lulu et Nana, deux jumelles génétiquement modifiées. Elle sont modifiées pour être résistantes au sida, leur père étant séropositif. Cette annonce a fait la Une de nombreux journaux et a entraîné une vaste controverse, l’université de Shenzhen se désolidarisant du professeur et l’opinion publique a été choquée par cette annonce.

Or, une application chez les êtres humains de la méthode CRISPR pourrait permettre de soigner bien des maladies qui sont actuellement impossibles à soigner, par exemple des moustiques ont été rendus résistants au paludisme, des souris guéries de cancer, de la mucoviscidose ou bien d’Alzheimer. Cette avancée peut donc apporter beaucoup, pour soigner des maladies incurables ou étendre l’espérance de vie d’une personne. Il est cependant nécessaire de fixer des limites, afin que nous ne tombions pas dans un eugénisme total, ou les plus riches pourraient modifier le patrimoine génétique de leurs enfant pour les rendre plus intelligents, plus forts… Un monde dystopique où le fossé entre riches et pauvres ne sera plus social mais génétique… La sélection de certains traits ne mènerait-elle pas à la disparition de la diversité ? La question peut aussi se poser sur la vente de ce produit. En effet, actuellement, c’est la firme Monsanto, incriminée dans de nombreuses affaires de pesticides qui possède le brevet et donc l’exclusivité d’utilisation de l’enzyme CRSIPR cas9, ce qui pourrait déboucher sur un monopole commercial très dangereux. Pire encore, la technologie pourrait être utilisée à des fins militaires, pour la création de bio-armes ou bien de super-soldats…

Si la régulation le permet, certes nous pourrons avoir des bébés fluorescents et des chats qui ne perdent pas leurs poils mais à quel prix ?

Des chercheurs de l’université de Columbia ont remarqué qu’après édition par CRISPR cas9 de l’ADN de souris, ces dernières ont subi 1500 mutations non désirées dans des zones autres que la zone traitée. Ainsi des effets secondaires pourraient se multiplier : cancers et autres maladies génétiques. Le caractère héréditaire de la modification génétique pose aussi problème.
En effet, contrairement à des chirurgies plastiques, dons d’organes et autres opérations, la modification génétique se transmet à ses descendants, ainsi modifiant le génome de l’espèce humaine entière.

Les implications éthiques de la modification génétique dépassent les scientifiques de loin.

 Maxime

(Image libre de droit de Thomas Splettstoesser, https://commons.wikimedia.org)

Le saviez-tu ?

L’eugénisme (ou eugénique) est le domaine de la génétique appliquée qui cherche à améliorer l’espèce humaine. Le terme a été créé en 1883 par le naturaliste anglais Francis Galton (1822-1911) pour désigner la science, la technique et la politique visant à améliorer les « qualités héréditaires » de groupes humains par le contrôle de la procréation.
Idéologie scientifique, il trouva son application la plus extrême sous le nazisme qui organisa l’élimination brutale de personnes des races considérées comme « inférieures » (non Aryens), les Juifs ou les Tisganes. Mais aussi de personnes considérées comme dégénérées et socialmement indésirables, les homosexuels, les criminels ou les handicapés physqiues ou mentaux. (merci toupie.org)