Répression des Ouïghours : on fait le point

Des centaines de personnes vêtues de gilets violets et orange, la tête rasée, les mains liées et les yeux bandés. Tous sont surveillés par des dizaines de policiers. Cette vidéo mise en ligne il y a quelque mois a déjà fait le tour des réseaux sociaux suscitant de nombreuses réactions à l’encontre de ces prisonniers : les Ouïghours. Mais qui sont-ils ? Et comment en est-on arrivé là ? La réponse en 3 points clés.

Qui sont les Ouïghours ?

Ils sont l’une des 56 ethnies qui composent la République populaire de Chine, dominée par les Hans (qui représentent 92% de la population). Il faut savoir que les Ouïghours sont de religion musulmane et installés en Asie centrale depuis plus d’un millénaire. D’abord nomades, ils se sont sédentarisés dans l’espace qui constitue l’actuel Xinjiang (région du Nord-Ouest de la Chine et qui s’étend sur 1,6 millions de km2 ; soit 3 fois la France métropolitaine ; et représente 16% du territoire chinois) et sont environ 11 millions à y vivre actuellement.

« Ethniquement et culturellement, les Ouïghours sont différents des Hans. Ils sont beaucoup plus proches de leurs homologues d’Asie centrale : les populations du Kazakhstan, du Kirghizstan… D’ailleurs les Ouïghours appellent leurs pays le Turkestan oriental […] » -Jean Philippe Béja, sinologue

Au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale, une république du Turkestan oriental a existé quelques années (entre 1944 et 1949) mais l’Union soviétique a fini par abandonner cette république au moment où les communistes chinois l’ont annexée. A cette époque la population Ouïghour était majoritaire : 98% de la population !
Dans un premier temps (durant les années 50), le pouvoir chinois a tenté de rallier les élites locales à la république populaire. Comme au Tibet où le Parti Communiste s’entendait avec le Dalaï Lama après lui avoir fait la guerre (le pays a été annexe en 1950 et le dalaï lama a été maintenu jusqu’en 1959 avant de fuir). Je vous conseille le film français avec Brad Pitt « Sept ans au Tibet » de Jean-Jacques Annaud sorti en 1987.

Mais revenons-en au sujet. C’est à partir de 1958 (et surtout de la Révolution culturelle de 1966 jusqu’à la mort de Mao Zedong en 1976) qu’une politique d’assimilation beaucoup plus dure a été mise en place envers les minorités. On forçait les Ouighours à manger du porc pour qu’ils abandonnent leur culture traditionnelle par exemple. Après la mort de Mao Zedong, une période d’apaisement commence mais qui sera de courte durée puisque en 1995, une politique de plus en plus répressive se met en place. La « guerre contre la terreur » lancée par les Etats-Unis après le 11 septembre 2001 sonne aussi le début d’une politique chinoise censée lutter contre le djihadisme et le radicalisme musulman mais qui va bien au-delà en s’attaquant à la culture Ouighour !

En quoi consiste la répression ?

La répression dont on parle aujourd’hui suit de près l’arrivée au pouvoir de Xi Jinping, secrétaire général du PC chinois depuis 2012 et président de la République populaire depuis 2013. Mais la politique d’internement commence véritablement en 2016 quand Chen Quanguo devient le nouveau secrétaire du PC : un rapport de Human Rights Watch publié en 2018 révèle que ce nouveau gouvernement met en place des « camps de rééducation » ou des Ouïghours sont détenus (1 million de personnes selon l’ONG sur un population de 11 millions). Alors officiellement, la Chine lutte contre le terrorisme islamique depuis le début des années 2000 mais cette politique se renforce après les attentats de pékin en 2013, de la gare de Kunming en 2014 et d’Urumqi la même année.
Ces attaques traumatisent la société chinoise. Le gouvernement s’en prend alors aux Ouighours et veulent « faire disparaitre toute forme de contestation qui remettrait en question la souveraineté de l’Etat chinois ». Mais la réponse des autorités va bien au-delà et vise également à éradiquer la culture Ouïghour : on interdit aux jeunes d’aller à la mosquée, on proscrit les prénoms islamiques, on interne les gens qui se laissent pousser la barbe, qui portent un voile, qui ont le Coran chez eux… Les enfants sont enlevés et placés dans des orphelinats où ils sont éduqués selon les traditions du PC chinois. Les parents sont internés dans des « centres de formation professionnelle » selon le gouvernement qui sont en réalité des camps de concentration où les prisonniers sont traités dans des conditions inhumaines.

La réponse des pays en Europe

La prise de conscience de la répression des Ouïghours a pris du temps mais elle commence à faire son chemin, notamment en Europe où le ministre des Affaires étrangères français Jean Yves le Drian a pris la parole le 21 juillet dernier à l’Assemblée nationale :

« Ce qui transparait de l’ensemble des informations que nous avons […] ce sont des camps d’internement pour les Ouïghours, des détentions massives, des disparitions, du travail forcé, la destruction du patrimoine culturel ouïghour […] toutes ces pratiques sont inacceptables. Nous les condamnons avec beaucoup de fermeté ».

La réaction française est très similaire à celle des autres pays européens mais aucune nation n’a encore pris de sanctions contre la Chine contrairement aux Etats-Unis qui ont récemment haussé le ton contre Pékin et ont annoncé placer onze entreprises chinoises sur une liste noire, ce qui limite leur accès à des technologies et produits américains. Une stratégie de durcissement qui n’est pas sans lien avec l’élection présidentielle de début novembre où Donald Trump veut afficher une position de fermeté auprès de ses électeurs envers la Chine.
La défense des Ouïghours est encore un long combat…

 

Swann (illu’ d’Olympe)